Intelligence artificielle et Créativité : Mythe ou réalité ?

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Dans un précédent article, nous avons discuté des limites de l’intelligence artificielle en comparaison avec le cerveau humain. Si la prise d’initiative semblait décisive dans cette comparaison, y aurait-il d’autre spécificités propres à l’homme? L’intelligence artificielle peut-elle par exemple faire preuve de créativité ? 

Si le portrait d’Edmond Belamy, une peinture réalisée par une intelligence artificielle a été vendue plus de 435 000 dollars, si certains compositeurs s’aident de l’IA pour écrire ou encore si Gary Kasparov, ancien champion d’échec, s’est fait battre par cette technologie, le mariage intelligence artificielle et créativité ne fait pas encore l’unanimité. En effet, l‘immiscion de l’intelligence artificielle dans l’art fait polémique. Deux mentalités s’opposent ; ceux qui rejettent l’apport de cette technologie dans ce domaine et ceux qui le glorifient.

Mais le débat est plus profond : 

Les robots ont-ils créé ou recopié ? Ont-ils fait preuve de créativité ?  Qu’est-ce que la créativité avant tout ?

Dans son article « Computing Machinery and Intelligence » en 1950, Alan Turing a été confronté à ce problème de définition.  Il faut en tout premier lieu voir les différentes nuances de créativité.

La créativité, une notion bien relative…

Il y a une créativité qu’on pourrait qualifier de novatrice, qui implique une transformation profonde, un changement inédit. Cela peut aller de l’invention d’un domaine tout nouveau – comme le fut le cinéma ou l’aviation – à la révolution d’un domaine existant, à l’instar de Picasso et son mouvement cubiste. 

Il existe aussi la créativité exploratrice, plus courante, qui consiste tout simplement à créer sans que pour autant cela révolutionne le genre – comme Mozart qui n’inventa pas la musique classique mais créa des chefs d’œuvres intemporels avec une identité particulière. 

Selon Stéphane Mallard, digital evangelist ; 

Tout ce que nous permet de faire notre cerveau pourra être fait par l’IA 

Pour appuyer ses dires, on peut se baser sur plusieurs algorithmes qui réalisent des prouesses dans divers domaines artistiques, allant de la peinture à la musique, en passant par des recettes de cuisine ou même le  scénario d’un court métrage nommé « Sunsprising » disponible sur YouTube, d’ailleurs plutôt comique car peu crédible et sans queue ni tête. 

Des révolutions technologiques récentes comme les GAN, Generative Adversarial Network, qui sont une classe d’algorithmes d’apprentissage non supervisé, le Deep Learning ou le Reinforcement Learning ont permis la création de véritables réalisations bluffantes de réalisme aussi bien en peinture qu’en musique, au point que les amateurs n’arrivent pas à distinguer l’oeuvre de la machine et celle de l’homme

Les prouesses dans la peinture

Dans la peinture, les GAN sont rois !

L’algorithme est nourri de plusieurs œuvres et son entraînement consiste à créer une peinture en se basant sur les caractéristiques de ses données dans le but de tromper un autre réseau qui détermine si oui ou non la peinture est faite par la machine. 

Si le second réseau se trompe, c’est-à-dire ne sait pas si l’œuvre est le produit ou non d’un algorithme, on considère l’œuvre comme originale. Après entraînement, la machine produit un tableau à partir d’une photo dans le style voulu, comme montré ci-dessous. On peut dire que cela consiste en un simple recopiage et non en une invention. C’est d’ailleurs ce que déclare Emilien Dereclenne,chercheur en philosophie des sciences cognitives au Laboratoire COSTECH et consultant IA : 

L’IA apprend de ses prédécesseurs humains mais cela n’est pas suffisant pour parler de créativité. Qu’en est-il de l’émotivité, la sensibilité, de notre expérience ? 

Cependant, beaucoup de gens ont du mal à différencier le vrai du faux. Et lors d’un test réalisé, les gens avaient une préférence pour les réalisations de la machine plutôt que celles de l’homme. Il n’y a pas une réelle intelligence émotionnelle, mais elle a su repérer les émotions dégagées à travers la peinture.  Là est la vraie prouesse ! De plus, se baser sur un style en particulier et l’adapter en fonction des situations n’est pas le schéma d’un simple recopiage

On ne nie pas le génie de Rembrandt malgré qu’il s’est inspiré de Lastman, Elsheimer ou encore Rubens. Certains projets ont d’ailleurs pour but de vouloir redonner vie à des peintres et non pas s’en inspirer, comme Next Rembrandt, un algorithme réalisé en association avec Microsoft et la banque ING, qui a décortiqué le style de l’auteur éponyme, allant jusqu’à étudier la répartition des cheveux.  Une nouvelle approche nommée CAN, Creative Adversarial Network, va encore plus loin en générant des images artistiques en dehors de tout courant et là encore la machine a été préférée à l’homme. Ici, la création sort des paternes connus et documentés. 

Serait-ce la création d’un nouveau courant? 
créativité IA
Réalisation des GAN
Créativité IA
Réalisation des CAN
Créativité IA
Deep Dream - Google

Il y a aussi la fameux algorithme Deep Dream de Google qui a pour but de reconnaître des animaux dans des formes, comme des nuages ou des troncs d’arbre, au rendu assez psychédélique. En clair, s’il identifie une forme qui s’apparente à un oiseau, il modifiera l’image de base pour y insérer un oiseau. Ici, on a une notion de créativité toute particulière.

L’adoubement dans la musique

Il n’y a pas que dans la peinture que l’intelligence artificielle brille. Elle est très présente en musique et plus reconnue que dans la peinture. Elle va du classique au contemporain en passant par le rock. Les start-up Flow Machine ou Muzeek proposent de générer automatiquement des morceaux en fonction d’arrangement par une personne, comme des notes de piano ou de banjo. L’intelligence artificielle FlowMachines de Sony est capable de composer des musiques en s’inspirant d’un courant musical. L’une des plus connues est « Daddy’s car », influencée par le style rock des Beatles. Shimon Robot, créé par le roboticien Guy Hoffman, compose ses mélodies en s’inspirant aussi bien de ses partenaires que ses propres influences, ou base de données si on veut être plus précis, qui sont le jazz et le classique. 

          Tous ces programmes fonctionnent de la même manière ; ils sont « nourris » de plusieurs musiques, potentiellement de divers courants, qu’ils vont analyser pour en découvrir des paternes et des motifs. Encore une fois, la notion d’identité si propre à la création et son créateur, peut être remise en cause mais on ne peut pas reprocher à la machine de faire comme l’homme, c’est-à-dire s’inspirer. 

David Cope, professeur d’informatique et de musique à l’université de Californie créa Emily Howell, qui s’inspire elle-même de l’intelligence artificielle EMI , influencée par le classique. Ce professeur alla donc plus loin puisqu’on s’est rendu compte que ses créations sont plus personnelles et contemporaines

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L’IA est néanmoins une grande joueuse

On pourrait encore parler de plusieurs domaines, comme l’intelligence artificielle Watson d’IBM qui crée des recettes de cuisine. De « 1 the road » qui fut le premier ouvrage écrit par une intelligence artificielle mais mal reçu par la critique ou de Scheherazade dans un style similaire. 

S’il est un domaine où l’intelligence artificielle brille déjà de manière incontestée il s’agit des jeux de stratégie. 

Rien d’étonnant à cela: Ce sont des jeux basiques avec des règles et un objectif simple qui est de gagner. C’est un cadre assez restreint pour que nos capacités actuelles permettent de créer des machines qui ne rivalisent pas avec l’homme mais qui les dominent ! On va pour cela parler d’AlphaGo et AlphaZero, deux intelligences artificielles de Google DeepMind. Au moment où AlphaGo a fait vibrer le monde du jeu de go en gagnant contre un humain, il existait déjà DeepBlue, un algorithme qui a vaincu le champion du monde d’échec de l’époque. 

Pourquoi avons-nous d’abord réussi à surpasser l’homme aux échecs puis au jeu de go ? La réponse est simple : le Deep Learning. DeepBlue calcule l’ensemble des combinaisons possibles à chaque tour sur plusieurs coups. Il n’y a aucune intelligence, juste une force brute de calcul. Or, par tour, il y a en moyenne 250 à 300 coups au jeu de go – contre 20 aux échecs – et aucun moyen de calculer un score – contrairement aux échecs où chaque pièce à un poids. AlphaGo pallia le problème en étudiant plus de 160 000 parties, soit l’équivalent de 30 millions de coups. Malheureusement pour les sceptiques, on ne peut pas dire que cette intelligence artificielle ne fait que recopier puisque lors de sa prestation face au champion Lee Sedol, elle joua un coup qui déstabilisa aussi bien le champion que l’un des commentateurs. Lui-même  ancien champion de cette discipline, il mit du temps avant de comprendre où placer le pion sur la maquette qui permettait au public de voir l’évolution de la partie. Cela peut paraître anodin, mais ce coup révolutionnaire fut déterminant dans sa victoire et, dorénavant, est étudié par les professionnels. Il y a ici une notion de création pure puisqu’un coup fut inventé sur un jeu ancestral

         Puis vint AlphaZero qui impressionna encore plus. AlphaZero apprend à jouer face à elle-même, c’est ce qu’on appelle du Reinforcement Learning. Elle s’entraîna pendant 140 millions de parties et battit AlphaGo sur les 100 parties disputées. L’intelligence qui a appris à jouer seule a réussi à battre celle qui s’est basée sur l’expérience humaine. Ensuite, elle s’entraîna plus de 44 millions de fois aux échecs et battit Stockfish, meilleur programme d’échec de l’époque, 155 à 4 avec 899 parties nulles. Le résultat est d’autant plus impressionnant que Stockfish calcule 60 millions de coups à la seconde tandis qu’AlphaZero en calcule 1000 fois moins. On se demande donc comment un algorithme qui anticipe moins de coups peut dominer. Cela repose sur la manière de jouer. AlphaZero favorise la mobilité et le positionnement aux détriments des points que valent chaque pièce, ce qui n’est pas le cas des champions d’échecs. La créativité est cette fois-ci bien supérieure à un simple nouveau coup !

Dans des domaines restreints, l’intelligence artificielle fait des prouesses. Cependant, ce champ d’activité ne cesse d’évoluer et commence à élargir ses horizons dans des domaines plus propres à l’homme, où une certaine sensibilité, expérience est nécessaire. L’intelligence artificielle est certes encore contestée mais ses évolutions sont impressionnantes. 

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