Le Chief Software Officer du Pentagone, Nicolas Chaillan, vient de démissionner. Selon lui, les États-Unis ont déjà perdu la bataille de l’IA et de la cybersécurité contre la Chine.
Après avoir créé sa première entreprise à l’âge de 15 ans, Nicolas Chaillan a parcouru un long chemin. En 2016, âgé de 32 ans, le Français est naturalisé comme citoyen américain.
Il prend en charge l’instauration de mesures de cybersécurité » zero trust » au Department of Homeland Security, puis rejoint le Pentagone en tant que Chief Software Officer de l’US Air Force.
Son rôle est de renforcer la cybersécurité de l’armée américaine. Toutefois, après trois ans de bons et loyaux services, Chaillan vient de démissionner.
Selon lui, la Chine a déjà gagné la guerre contre les États-Unis. La superpuissance asiatique est à ses yeux vouée à dominer le monde grâce à son avance dans les domaines de l’intelligence artificielle, du Machine Learning et du cyber.
En démissionnant, Nicolas Chaillan proteste contre la lenteur de la transformation technologique de l’armée américaine. De plus, il ne supporte plus de voir la Chine surpasser l’Amérique. Selon lui, l’échec des États-Unis à réagir à la menace chinoise met le futur de ses enfants en péril.
Comme l’explique cet expert, » nous n’avons aucune chance de rivaliser avec la Chine d’ici 15 à 20 ans. Les jeux sont déjà faits, c’est déjà terminé. Il y a une bonne raison d’être en colère « .
Une approche américaine de l'IA jugée " trop éthique "
Ainsi, le spécialiste estime que la bataille est perdue d’avance. » Que cela prenne une guerre ou non est anecdotique » explique-t-il. La Chine est destinée à dominer le monde de demain, et à tout contrôler des médias à la géopolitique.
Selon ses propres dires, la cyber défense de certains départements du gouvernement américain est » d’un niveau de jardin d’enfants « . L’ancien CSO du Pentagone dénonce aussi la réticence de Google à travailler avec l’armée américaine sur l’intelligence artificielle. Il estime aussi que les débats sur l’éthique de l’IA ralentissent les États-Unis dans cette course.
Au contraire, les entreprises chinoises sont contraintes de travailler avec le gouvernement. Et elles n’hésitent pas à investir massivement dans l’IA, sans se préoccuper des questions d’éthique.
Même si les États-Unis dépensent encore trois fois plus que la Chine dans la défense, Chaillan affirme que ces dépenses sont placées dans les mauvais domaines. Car pour Chaillan, les technologies émergentes sont bien plus importantes pour le futur de l’Amérique que les équipements tels que l’avion de combat F-35 de dernière génération. Dans le même temps, la bureaucratie et la régulation empêchent un changement nécessaire au sein du Pentagone.
Déjà l’an dernier, un rapport commandé par le Congrès américain tirait l’alarme. Ce rapport alertait sur le fait que la Chine pouvait surpasser les États-Unis en tant que première puissance mondiale de l’IA d’ici la fin de la décennie.
Depuis lors, le gouvernement a reconnu le besoin de » mieux faire » pour attirer, former et retenir les jeunes talents de la cybersécurité. Toutefois, ils ont continué à défendre leur approche » responsable » de l’adoption de l’IA.
La semaine dernière, le directeur du Joint Artificial Intelligence Center du DoD, Michael Groen, a déclaré lors d’une conférence qu’il souhaitait déployer l’IA dans l’armée de manière incrémentale. À ses yeux, cette adoption requiert un changement culturel au sein de l’armée.
De même, le secrétaire de la défense des États-Unis, Lloyd Austin, a déclaré en juillet que son département » a besoin d’urgence » de développer une intelligence artificielle responsable. Un investissement de 1,5 milliard de dollars additionnel vise à accélérer l’adoption de l’IA sur les cinq prochaines années. Plus de 600 projets IA sont déjà en cours. Néanmoins, là encore, Austin a promis que son département ne sacrifierait pas l’éthique…
Une bataille perdue d'avance contre la Chine
C’est au début du mois de septembre, à travers une lettre, que Chaillan a annoncé sa démission. Selon lui, les officiers militaires se voient fréquemment confier des initiatives de cyber-sécurité pour lesquelles ils manquent d’expérience. Il estime que le Pentagone est à la traîne, et déplore l’absence de financement.
» Nous ne mettrions pas un pilote dans un cockpit sans entraînement intensif au préalable, pourquoi attendre qu’une personne sans expérience informatique puisse réussir dans ces projets ? » interroge-t-il. Il précise par ailleurs que » pendant que nous perdions du temps en bureaucratie, nos adversaires ont poursuivi leurs progrès « .
Alors qu’il était encore au Pentagone, Chaillan a attiré l’attention des officiers senior sur ses inquiétudes. Ces derniers lui ont répondu qu’il devait garder ses plaintes « dans la famille « . De manière générale, l’expert a eu l’impression de passer trois ans à » réparer des éléments Cloud de base et des laptops » au lieu d’innover. Il prévoit à présent de témoigner devant le Congrès concernant la menace chinoise dans les semaines à venir.
L'Europe, grande perdante de la course à l'IA ?
Si les critiques de Nicolas Chaillan concernent les États-Unis, l’Europe risque d’être encore plus en retard dans la course à l’IA. L’éthique occupe certes une place importante dans le débat américain, mais elle est au coeur des valeurs européennes.
Nous avons par exemple adopté le RGPD pour la protection des données, et même les États-Unis considèrent cette loi comme un frein à l’innovation. De même, l’Europe a interdit la technologie de Reconnaissance Faciale alors que les États-Unis la déploient progressivement.
Grâce à l’intelligence artificielle, les grandes puissances peu scrupuleuses telles que la Chine et la Russie pourront dominer le monde de demain. En comparaison, les États-Unis et l’Europe risquent d’accumuler un grave retard technologique…
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