Depuis leur introduction en 2017, les modèles Transformer ont radicalement transformé le paysage de l’IA, notamment en traitement automatique des langues (TAL/NLP).
Conçus pour surmonter les limites des réseaux de neurones récurrents (RNN), les modèles Transformer reposent sur des mécanismes d’auto-attention permettant un traitement parallèle des données. Utilisés par des systèmes emblématiques comme ChatGPT, BERT ou ViT, ils ont ouvert la voie à des applications allant de la traduction en temps réel à l’analyse génomique. Cet article explore leur fonctionnement, leur impact et leurs défis.
Qu'y avait-il avant les Transformers ?
Avant 2017, les modèles dominants pour le traitement de séquences (texte, parole) étaient les réseaux de neurones récurrents (RNN) et leurs dérivés comme les LSTM (Long Short-Term Memory). Ces architectures traitaient les données séquentiellement, en maintenant un « état mémoire » mis à jour à chaque étape. Cependant, elles souffraient de deux problèmes majeurs :
- Problème de l’évanescence du gradient : Sur de longues séquences, l’information des premiers tokens (mots) se perdait.
- Temps d’entraînement long : Le traitement séquentiel limitait la parallélisation, rendant l’apprentissage lent sur de gros volumes de données.
Pour pallier ces défauts, les chercheurs ont introduit des couches d’attention permettant aux modèles de se concentrer sur des parties pertinentes de l’entrée. Par exemple, dans une tâche de traduction anglais-français, le modèle pouvait accéder directement aux mots clés de la phrase source pour générer une sortie précise. Néanmoins, ces mécanismes restaient couplés à des RNN… jusqu’à la révolution Transformers.
Comment ont été créés les Transformers ?
Décrite dans l’article fondateur « Attention Is All You Need » (Vaswani et al., 2017), cette architecture abandonne les RNN au profit d’une attention pure, combinée à des techniques innovantes.
Elle possède ces composants clés :
1. Encodage Positionnel
Contrairement aux RNN, les Transformers ne traitent pas les tokens dans l’ordre. Pour préserver l’information séquentielle, chaque mot reçoit un vecteur positionnel (sinusoïdal ou appris) indiquant sa place dans la phrase.

2. Auto-Attention
- Le cœur du Transformer repose sur des couches d’auto-attention, où chaque token interagit avec tous les autres via trois matrices apprises :
- Requête (Query) : Représente ce que le token cherche.
- Clé (Key) : Détermine ce que le token peut offrir.
Valeur (Value) : Contient l’information à transmettre.
Les poids d’attention sont calculés par produit scalaire entre requêtes et clés, puis normalisés par une fonction softmax.
Ce mécanisme permet à chaque token de s’appuyer sur l’ensemble du contexte de la phrase, indépendamment de sa position, favorisant ainsi une meilleure compréhension des relations linguistiques. »
3. Attention Multi-Têtes
Pour capter divers types de relations (syntaxiques, sémantiques), chaque couche utilise plusieurs têtes d’attention en parallèle.
Chaque tête d’attention apprend une représentation différente, permettant au modèle d’extraire simultanément plusieurs niveaux de signification, comme les dépendances grammaticales et les relations de sens.
Les résultats sont concaténés et transformés via un réseau de neurones feed-forward.
4. Encodeur-Décodeur
- Encodeur : Traite l’entrée pour générer une représentation contextuelle.
- Décodeur : Utilise cette représentation et les tokens précédents pour générer la sortie pas à pas (ex. : traduction).
Comment sont utilisés les Transformer Models ?
En premier lieu, ChatGPT et les LLMs. Les Transformers génératifs (GPT, PaLM) génèrent du texte cohérent en prédisant le token suivant. ChatGPT, entraîné par renforcement, excelle en dialogue et création de contenu.
Nous avons de plus la compréhension contextuelle avec BERT. Contrairement à GPT, BERT utilise un encodeur bidirectionnel pour capturer le contexte global. En 2019, il optimisait 70 % des recherches Google.
De plus, il y a les Vision Transformers (ViT) : en découpant une image en 16×16 patches, ViT rivalise avec les CNN en classification, détection d’objets, etc., grâce à sa capacité à modéliser des relations à longue portée.
La figure ci-dessous schématise l’architecture des Transformers ainsi que celle de GPT et BERT à titre de comparaison, qui utilisent une partie de l’architecture Transformers :

Quelles sont les avantages des Transformer Models ?
En parallélisant les étapes, ils deviennent alors plus efficaces : en évitant le traitement séquentiel, les Transformers exploitent pleinement les GPU/TPU, réduisant les temps d’entraînement de 50 à 80 % par rapport aux RNN.
Leur architecture permet un pré-entraînement massif sur des corpus non labellisés, comme Wikipédia ou le contenu de livres. Des modèles comme BERT ou GPT-3 atteignent des performances inédites grâce à des centaines de milliards de paramètres.
Initialement conçus pour le NLP, les Transformers sont aujourd’hui polyvalents, ils s’étendent désormais à :
- La vision par ordinateur : ViT (Vision Transformer) découpe les images en patches et les traite comme des séquences.
- La biologie : l’analyse de séquences d’ADN ou de protéines.
- Le multimodal : des modèles combinant texte, image et son, comme DALL-E.
Quelles sont les limites des Transformer Models ?
Nous pouvons citer dans un premier temps le coût computationnel et environnemental : l’entraînement de modèles comme GPT-3 consomme plusieurs mégawatts-heure, soulevant des questions éthiques et écologiques.
Par ailleurs, les Transformers reproduisent les biais présents dans leurs données d’entraînement. Cela pose un risque majeur lorsqu’ils sont utilisés pour des décisions critiques, comme par exemple le recrutement via le tri de CV ou encore l’aide à la décision médicale, car les biais implicites peuvent se perpétuer et même s’amplifier. De plus, ils peuvent générer des affirmations fausses mais plausibles, comme l’invention de références académiques inexistantes ou encore comme l’affirmation qu’un événement fictif s’est réellement produit. Ces affirmations sont des hallucinations.
Une autre limite inévitable est la complexité d’interprétation. En effet, les mécanismes d’attention, bien que puissants, restent des « boîtes noires », compliquant la détection d’erreurs systémiques.
Quelles sont les perspectives futures des Transformer Models
L’évolution rapide des Transformers a profondément transformé de nombreux domaines, rendant indispensables des recherches sur l’optimisation et la réduction de leur empreinte énergétique. Aujourd’hui, des perspectives prometteuses s’offrent à nous concernant l’utilisation des Transformers :
- Modèles Éco-Efficaces : Recherche d’architectures frugales où l’accent est mis sur l’optimisation de la consommation de ressources (énergie, mémoire, puissance de calcul, volume de données…), comme les Sparse Transformers, ou l’utilisation de techniques comme LoRA (Low-Rank Adaptation) qui permet d’affiner des modèles sans nécessiter un réentraînement complet
- IA Multimodale : Intégration transparente texte-image-vidéo tels que GPT-4 ou Gemini, qui traitent plusieurs modalités dans un seul modèle).
- Personnalisation Éthique : Adaptation des LLMs aux besoins spécifiques sans biais.

Conclusion
Les Transformers ont redéfini les frontières de l’IA, combinant efficacité, polyvalence et puissance. Bien que confrontés à des défis techniques et éthiques, ils restent la pierre angulaire des avancées actuelles, des assistants virtuels à la recherche médicale via notamment les outils d’aide au diagnostic médical. Leur évolution vers des systèmes plus responsables et moins énergivores marquera probablement la prochaine décennie de l’intelligence artificielle.