Transformer des actifs du monde physique en « tokens » (unités de cryptomonnaie), cela pourrait paraître pour le moins singulier. En réalité, nous sommes en présence d’un marché dont le potentiel est titanesque. Les RWA ou actifs du monde réel sont une révolution à ne rater sous aucun prétexte.
Le 15 juillet 2021, une opération pour le moins originale a été lancée par la banque suisse Sygnum en partenariat avec Artemundi – un fonds américain spécialisé dans les œuvres d’art. « Fillette au béret », une œuvre tardive de Pablo Picasso réalisée en 1964 et dévoilant une jeune fille d’allure mélancolique a fait l’objet d’une « tokenisation ». Qu’est-ce à dire ? Le tableau, dont la valeur était alors estimée à 4 millions de francs suisse a été converti en un crypto-actif, soit 4 000 tokens (unités) AST. Il est ainsi devenu un RWA ou Real World Asset – actif du monde réel.
Chacun des acquéreurs d’AST a ainsi pu devenir propriétaire d’une partie du tableau « Fillette au béret » et tout l’intérêt des RWA réside dans une telle opération. Chaque titre de propriété est officialisé par la présence d’une écriture sur une blockchain, soit un registre numérique infalsifiable puisqu’il est partagé par chaque détenteur de AST.
À première vue, une telle opération pourrait sembler bien étrange. Celui qui a déboursé l’équivalent de 5 000 francs suisse est devenu copropriétaire d’un tableau qu’il n’est pas en mesure d’admirer s’il le souhaitait ou alors bien fort rarement : sa valeur est telle qu’il est remisé dans une installation de haute sécurité. Il ne sort que fort rarement pour être prêté à des musées et à une exposition.
Les avantages des RWA
En réalité, les avantages d’un tel investissement sont multiples et ils se retrouvent dans la plupart des opérations de RWA. Ainsi, il est probable qu’aucun de ceux qui ont acquis des AST n’aurait pu s’offrir à lui seul le tableau « Fillette au béret ». À présent, il se retrouve co-investisseur dans une œuvre d’art haut de gamme. Or, ce tableau de Picasso est appelé à prendre de la valeur. Plus sa cote va monter et plus le cours de l’AST va lui-même grimper.
Dans le même temps, celui qui détient un AST n’a pas à se soucier d’avoir à sécuriser l’œuvre originale, payer une assurance ou encore les frais de logistique associés au déplacement de l’œuvre dans un musée. La gestion d’une telle propriété est donc transparente pour le détenteur d’un tel token. Et comme nous l’avons vu, la présence d’une écriture sur la blockchain rend la propriété de l’AST inviolable.
Le détenteur d’un AST pourrait avoir besoin un jour de liquidités et décider de revendre ce token. Il pourra alors le faire aisément, et sans doute récupérer une plus-value.

Un marché supérieur à celui des cryptomonnaies ?
Qu’on se le dise : ce marché des RWA a un potentiel inouï, car le nombre d’éléments du monde physique qu’il est possible de tokeniser paraît illimité. Le potentiel est estimé à des centaines de milliers de milliards de dollars et certains estiment que ce marché est en mesure de dépasser celui des cryptomonnaies « classiques » comme Bitcoin, Ethereum ou Solana.
En réalité, c’est l’entrée de Blackrock sur ce marché en mars 2024 qui a donné un coup d’accélérateur aux RWA. Blackrock est le plus grand gestionnaire d’actifs au monde. En manifestant ainsi son intérêt pour la tokenisation d’actifs du monde réel, Blackrock a encouragé d’autres institutions financières, notamment Franklin Templeton et Janus Henderson, a lancé leurs propres fonds de RWA.
De l’or jusqu’aux appartements en copropriété
D’ores et déjà, un grand nombre de conversions d’actifs du monde réel en token ont été réalisées, et elles ont ouvert la voie en la matière.
L’or
Prenons le cas de l’or. Quelles que soient les fluctuations boursières ou économiques, ce métal jaune prend régulièrement de la valeur. Oui mais… Le stockage des lingots d’or nécessite des coffres sécurisés et des mesures de protection propres à décourager de nombreux citoyens à les détenir à domicile. Or, il est possible d’acquérir auprès de Paxos un token, le PAXG – Paxos Gold – dont la valeur est égale à celle d’une once troy d’or (unité de mesure classique de l’argent comme de l’or). Là encore, si le cours de l’or monte, la valeur du PAXG va suivre.
Le détenteur de PAXG dispose d’un actif numérique qu’il est aisé d’échanger sur une plateforme telle que Binance, sans avoir à se préoccuper des aspects de sécurisation, lesquels sont gérés par Paxos.
Immobilier
En matière d’immobilier, cela va plus loin car une société américaine RealT, gère des biens en location et a eu l’idée de tokeniser plusieurs immeubles dans des villes comme New York ou San Francisco. Or, RealT vous propose d’acquérir des fractions de propriétés. L’investissement minimal démarre à 50 dollars ! Certes, la gestion effective par RealT de certaines de ces propriétés n’a pas toujours été sans tache, du fait de la négligence de certains locataires. Toutefois, RealT a pu réunir plus de 16 000 investisseurs sur plus de 535 propriétés et a ainsi ouvert la voie de l’investissement immobilier à un public bien plus large que par le passé.

Matières premières
À Singapour, cette cité insulaire située au sud de la Malaisie, la société Trade Flow Capital Management a eu l’idée de tokeniser le financement de matières premières (pétrole, métaux, céréales…). Il en a résulté pour les investisseurs individuels un accès simplifié à ce marché, traditionnellement réservé aux investisseurs institutionnels.
Le ciel est la limite
Que dire ? Ce marché est encore fort jeune et ouvert aux initiatives d’esprits audacieux. Les RWA représentent bel et bien une des plus grandes opportunités du secteur de la blockchain. La présence de Blackrock, mais aussi celle d’acteurs comme Goldman Sachs – qui a lancé sa propre plateforme en novembre 2022 – laisse à penser que les RWA vont se multiplier et que la plupart des secteurs vont être touchés. Alors, à qui le tour ?