L’histoire de l’intelligence artificielle s’est articulée sur deux phases majeures. L’une d’elle a été celle de l’IA symbolique. Que recouvre ce terme mystérieux ? Quels sont les atouts et les limitations d’une telle approche ?
Depuis l’explosion de ChatGPT fin novembre 2022, l’IA générative est sur le devant de la scène. Pourtant, ce type de service repose sur une approche relativement récente de l’intelligence artificielle qui suppose un apprentissage particulièrement coûteux en ressources informatiques. Les débuts de l’IA ont eu lieu à partir d’un autre modèle, l’IA symbolique, qui après une phase de désaveu, pourrait fort bien regagner une certaine crédibilité…
Qu’est-ce que l'IA symbolique ?
Les premières tentatives de simulation d’une intelligence par une machine sont issues des travaux d’Alan Turing et nous mènent vers la fin des années 50. En réalité, il nous faut remonter jusqu’au philosophe britannique Thomas Hobbes (1588 – 1679) pour trouver les prémisses de tels travaux. Hobbes estimait que « penser, c’est manipuler des symboles et raisonner, c’est calculer ». Le français Descartes (1596–1650) est allé dans le même sens, affirmant que l’univers était écrit dans le langage des mathématiques. Selon lui, toute la réalité est mathématique.
C’est en s’appuyant sur de telles théories qu’il a été possible d’envisager des machines à manipuler des symboles qui émuleraient la pensée humaine. Cette discipline est devenue l’IA symbolique. Elle a débuté de façon effective en 1959, lorsque les chercheurs Herbert Simon, Allen Newell et Cliff Shaw, ont tenté de construire un ordinateur capable de résoudre des problèmes de manière similaire aux humains.
De fait, l’IA symbolique s’acharne à représenter les connaissances sous une forme de règles appliquées à des symboles qui représentent des objets ou des concepts de notre monde. Il a résulté de l’IA symbolique une programmation basée sur la logique.
L’exemple couramment donné est celui d’un diagnostic médical : SI un patient a des éternuements fréquents ET des yeux qui démangent ALORS c’est probablement une allergie saisonnière, SINON, passer à la règle suivante.
Cette approche a donné naissance aux systèmes experts et systèmes d’aide à la décision.
Les principales applications de l'IA symbolique
L’IA symbolique a ainsi été mise à contribution dans de nombreux domaines :
- Traitement du langage naturel (NLP) avec des assistants tels que Siri ou Alexa,
- Diagnostic médical,
- Véhicules autonomes,
- Robots capables d’éviter les obstacles et d’interagir avec des humains
La disgrâce de l’IA symbolique
Jusqu’à la fin des années 80, l’IA symbolique a été la voie majeure de recherche et de développement d’applications. Pourtant, cette approche a peu à peu montré ses limites.
- Comme l’IA symbolique opère à partir de règles que l’on a programmées, sa capacité d’apprentissage est faible. Un système de ce type va donc peiner à s’adapter lorsqu’il rencontre une situation non prévue.
- L’IA symbolique nécessite une base de connaissances exhaustive pour fonctionner correctement. Si ce creuset est incomplet, son efficacité sera réduite.
- Une IA symbolique repose sur des représentations précises des connaissances, et sera déroutée face à des données incertaines ou ambiguës.
- La reconnaissance précise de formes et donc la biométrie est peu envisageable avec une IA symbolique.
- La génération de contenu à la fois original et pertinent serait difficile à concevoir par cette approche.
La percée du machine learning
À partir des années 90, une autre approche a prévalu, celle des réseaux de neurones, avec deux formes principales, le machine learning et le deep learning. Dans ce contexte, le système analyse d’immenses quantités de données et tente, au moyen d’un long entraînement, en partie empirique, d’inventer des relations mathématiques entre ce qui est perçu et ce que l’on doit obtenir. Des percées énormes ont eu lieu à partir de 2010 et elles ont permis l’émergence d’applications ultra populaires comme ChatGPT et Midjourney.
Seul souci : ces systèmes fondés sur le traitement de big data sont parfois déroutants, enclins à certaines erreurs. Ainsi, vous avez peut-être dû vous y reprendre à plusieurs fois avant d’obtenir le visuel demandé sur une application comme Stable Diffusion. Parfois, vous avez même eu l’impression qu’une telle IA générative échouait à comprendre ce que vous lui demandiez au juste. De fait, les IA neuronales opèrent souvent sans que l’on puisse trouver une logique à leur opération. Nous avons davantage affaire à une victoire de la quantité de données face au raisonnement pur.
Vers un retour de l'IA symbolique ?
Or, l’IA symbolique pourrait bien ne pas avoir dit son dernier mot car certains, tel IBM, souhaitent désormais marier les deux approches avec ce que l’on appelle l’IA neuro symbolique. Pour faire simple, l’IA neuronale servirait à la reconnaissance des formes comme des informations et se verrait secondée par une IA symbolique qui appliquerait une logique prévisible aux données analysées.
Il se trouve que l’IA symbolique a ses atouts. Dans la mesure où son raisonnement est codé, il nous est aisément possible de comprendre comment elle est arrivée à une conclusion et à défaut, de l’amender. De plus, elle est bien moins gourmande en ressources de calcul et donc plus éco responsable : elle consomme en moyenne 143 fois moins d’énergie qu’un modèle de machine learning. Or, l’IA symbolique peut tout à fait convenir dans certaines applications précises, comme le filtrage des emails.
Ainsi donc, après près de deux décennies de disgrâce, l’IA symbolique semble appelée à effectuer son grand retour.