Le 30 octobre 2024, HUB Institute a réuni à Paris plusieurs acteurs majeurs de l’intelligence artificielle et de l’innovation technologique pour l’événement France Puissance Numérique. Ce rendez-vous a permis d’explorer les opportunités et les défis de l’IA pour la France, notamment en termes de croissance économique, de productivité et de formation des talents.
Parmi les invités notables, on retrouvait Philippe Aghion, économiste et professeur au Collège de France, ainsi que Sasha Rubel, directrice de l’intelligence artificielle pour les affaires publiques chez AWS. Les débats ont abordé des thèmes stratégiques essentiels : comment accroître l’investissement technologique, soutenir les startups innovantes et former les professionnels de demain.
En deuxième partie, on a pu entendre les témoignages de grands acteurs Emmanuelle Ertel, directrice générale Innovation & Trust, du Groupe Tessi, François Mattens, directeur aux affaires publiques et partenariats stratégiques de XXII, et David Martineau, directeur général adjoint et associé directeur de la ligne d’affaires “AI, Data Science & Quantitative” de Sia Partners sur la situation des startups et des PME tech en France.
Investir dans l’IA : le manque à gagner en France
En guise d’introduction à cette conférence, Philippe Aghion a mis en évidence l’insuffisance des investissements publics en IA en France. D’après lui, pour exploiter pleinement le potentiel de croissance offert par l’intelligence artificielle, le budget de l’État dans ce secteur devrait passer de 3 à 25 milliards d’euros. « La France a les talents, mais elle manque d’engagement financier face à ses concurrents internationaux, » a-t-il souligné.
Pour démontrer son propos, Philippe Aghion fait la comparaison entre la révolution de l’électricité à celle de l’IA. En 10 ans, les entreprises qui ont adopté l’électricité ont augmenté leur productivité de 1.3% contre 22% pour les micro-entreprises qui se sont munies d’intelligence artificielle, selon un rapport de Nber sorti en 2023.
Cependant, cette évolution dépend de politiques proactives, comme l’a précisé Aghion : « L’IA ne détruira pas les emplois si nous créons un cadre institutionnel solide et que nous adoptons les politiques adéquates. ».
Néanmoins, tous les domaines ne profiteront pas de cette révolution de la même manière. Le secteur administratif, par exemple, pourrait voir de nombreux emplois disparaître ou être entièrement réinventé au profit de solutions automatisées. Philippe Aghion rappelle que la mise en place de politiques adaptées est cruciale pour gérer ces disparités et permettre une transition juste et durable vers un futur où l’IA s’intègre pleinement dans le tissu économique français.
Le potentiel français non-exploité
Toujours selon Philippe Aghion, la France et l’Europe doivent adopter une stratégie compétitive face aux États-Unis et à la Chine. Bien qu’alliés sur certains plans, il est essentiel de ne pas devenir dépendants technologiquement. « Être allié ne signifie pas renoncer à la compétition, on peut parler de co-ompetition. » a-t-il affirmé. À ce titre, la dépendance croissante vis-à-vis des technologies américaines et le départ de nombreux talents européens vers des pôles d’innovation comme les États-Unis ou la Chine doivent être traités rapidement.
C’est à la suite de son intervention que Sasha Rubel, directrice de l’IA pour les affaires publiques chez AWS, a partagé sa vision optimiste pour le rôle de la France dans l’écosystème global de l’IA, notamment grâce à l’adoption massive de solutions open source en France. Pour appuyer ce point Rubel a rappelé l’initiative d’AWS de former 600 000 personnes aux compétences numériques d’ici 2030. « La France a le potentiel pour devenir un pilier de l’IA en Europe, voire au niveau mondial » a-t-elle déclaré.
Cette ambition s’inscrit dans une vision où les solutions IA en open source, comme les LLM de l’entreprise française Mistral AI, permettent une diffusion plus large des technologies de pointe et ouvrent la voie à une exploration accrue de l’innovation en France.
Le sentiment d’une concurrence déloyale
L’événement s’est ensuite articulé autour d’une table ronde afin d’expliciter la situation des startups et PME tech en France. Cette entrevue a mis en lumière le sentiment de concurrence déloyale ressenti dans le domaine de l’intelligence artificielle. La concentration des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) freine l’innovation en accaparant les nouvelles technologies et en limitant l’émergence de nouveaux acteurs, un point déjà soulevé par Philippe Aghion lors de sa présentation. Selon les experts présents, Emmanuelle Ertel, François Mattens et David Martineau, cette situation représente un frein majeur à l’exploration et au développement de solutions originales en Europe “Peut-on encore dire que Mistral est française ou européenne ?” s’interroge Ertel.
Autre frustration soulevée, l’État français est perçu comme un compétiteur direct, avec des régulations strictes et des budgets évinçant toutes concurrences extérieures. Emmanuelle Ertel et David Martineau ont souligné la nécessité d’un environnement réglementaire plus stable. « Pour que les startups puissent s’épanouir, il leur faut un cadre clair et des directives non contradictoires, » a expliqué Ertel. Les deux intervenants ont rappelé que de nombreuses entreprises redoutent de ne pas être en conformité avec les lois européennes, ce qui freine leur potentiel d’innovation.
La formation Made In France
Face à la rapide évolution du secteur, plusieurs intervenants ont insisté sur l’importance d’une formation continue pour répondre aux besoins en compétences numériques “Les compétences numériques vont devenir plus importantes que les diplômes dans 5 ans” selon Sasha Rubel.
Point non négligeable, La France rayonne à l’international par ses grandes écoles et programmes reconnus, l’hexagone forme chaque année près de 2000 ingénieurs spécialisés en IA, un record pour la directrice de l’intelligence artificielle d’AWS. Cependant, l’accélération des progrès en IA crée une demande constante de professionnels, ce qui nécessite un renforcement des efforts en matière de formation.
Parmi les initiatives en ce sens, DataScientest propose des formations en Data Science et Intelligence Artificielle, adaptées aux besoins de l’industrie. En partenariat avec les entreprises, DataScientest a développé son programme POEI (Préparation Opérationnelle à l’Emploi Individuelle), destiné à préparer efficacement les candidats aux postes recherchés. Ces programmes visent à fournir aux professionnels et aux entreprises les compétences de pointe nécessaires pour tirer parti des avancées technologiques, participant au fait que la France soit et reste un acteur compétitif sur le marché mondial de l’IA.